Incertitude scientifique..

La nervosité était palpable, mardi 15 février, lors du bilan annuel des ventes de cosmétiques présenté à Paris par la Fédération des industries de la parfumerie. Les industriels n’étaient pas là pour se féliciter de l’évolution du chiffre d’affaires du secteur (+ 2,6 % à 14,1 milliards d’euros en 2004), mais pour faire front commun face à une campagne susceptible de menacer la stratégie des entreprises.

Deux molécules utilisées dans les parfums pourraient être dangereuses pour la santé humaine, affirme l’organisation écologiste Greenpeace dans un rapport publié début février. Il s’agit des diéthylphtalates (le DEP) et les muscs synthétiques (essences parfumantes) présents dans presque la totalité des 166 000 flacons de parfums vendus chaque jour en France, selon le laboratoire

néerlandais TNO-MEP qui a effectué les analyses. D’après plusieurs scientifiques, dont le professeur Charles Sultan, professeur d’endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier, ces molécules, stockées dans notre tissu adipeux, sont soupçonnées de perturber notre système hormonal. Peu biodégradables, elles s’accumuleraient dans le corps au fil des générations et seraient responsables d’un taux élevé de malformations congénitales chez le petit garçon, et de la stérilité grandissante des hommes.

Rien n’est encore prouvé, mais « nous sommes face à une incertitude scientifique forte », a indiqué à ce sujet, le 9 décembre 2004, lors d’un colloque sur la santé et l’environnement, le directeur général de la santé, William Dab.

Un haut niveau de DEP a été trouvé dans 34 des 36 parfums analysés par Greenpeace, dont « Eternity pour femme » (Calvin Klein), « Iris Blue » (Melvita), « Céline Dion » (Coty) et « Le Mâle » (Jean Paul Gaultier). Les parfums « Le Baiser du Dragon » (Cartier), BLV « Notte » pour homme (Bulgari), « Polo Blue » (Ralph Lauren) et « True Star » (Tommy Hilfiger) affichent, eux, les plus fortes concentrations de muscs.

Après les révélations sur la toxicité de certains désodorisants d’intérieur (Le Monde du 23 novembre 2004), c’est donc au tour de la cosmétique d’être la cible des ONG.. L’enjeu économique est important. C’est la quatrième industrie exportatrice - les ventes de parfums « made in France » s’élèvent à 7,6 milliards d’euros -,

avec un excédent commercial de 6 milliards d’euros en 2004. Les industriels répètent que leurs produits « sont conformes aux recommandations des autorités compétentes ». En outre, « un grand nombre de substances que nous utilisons sont communes à d’autres industries, a déclaré Alain Grangé Cabane, le président de la Fédération, (...) des évaluations sont faites ». Mais pour André Cicolella, chimiste-toxicologue indépendant, « ce que les industriels ne disent pas, c’est que la plupart des 9 000 substances utilisées dans les cosmétiques n’ont pas été testées ».

Face au doute, la députée Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP, Essonne) considère qu’il est important de mieux informer les consommateurs. Elle est l’auteur d’une proposition de loi qui suggère de mettre un logo sur les produits contenant au moins une substance potentiellement dangereuse.